MAMUT – Maquettes augmentées des mondes urbains et des territoires
2019–2021
La représentation de la ville est un enjeu qui dépasse les frontières disciplinaires. Si la notion de représentation elle-même a fait l’objet de divers travaux épistémologiques (Marin, 1994), ses manifestations sont porteuses de multiples questionnements. Qu’il s’agisse de photographies, de vidéos, de cartes ou de maquettes, ces « images de la cité » (Lynch, 1998) à la fois sollicitent des manières de faire la représentation de la ville (sciences et techniques pour l’architecture et informatique), construisent des figures urbaines (histoire de l’art, études visuelles et sémiotique) mais également configurent la réception de l’espace urbain représenté auprès des publics (sciences de l’information et de la communication, muséologie et sociologie).
Les institutions culturelles et patrimoniales, notamment les musées de ville et les musées archéologiques, ont fréquemment recours à ces représentations, en particulier les maquettes, comme dispositifs de vulgarisation des savoirs scientifiques (Jacobi, 2009). Cet usage s’inscrit dans une logique de « muséographie analogique » (Montpetit, 1996) en sollicitant dans l’exposition des images, des représentations qui font référence au réel et qui constituent des supports à la médiation des territoires. Les centres d’interprétation et musées urbains sont ainsi fréquemment conçus autour d’un objet central de médiation, une maquette ou une carte du territoire, dont le « pouvoir d’évocation [et] de séduction » (Golvin, 2003, p. 14) incite à la contemplation, favorisant par là même la compréhension de l’environnement et l’appropriation de l’espace en « un seul coup d’oeil » (Lévi-Strauss, 1962, p. 35) par le jeu de la réduction de l’échelle.
Parmi ces représentations urbaines, certaines parfois très anciennes deviennent elles-mêmes des objets patrimoniaux collectés et conservés par les institutions, telles par exemple les maquettes de la Rome antique de Paul Bigot ou d’Italo Gismondi, les maquettes de villes bavaroises de Jakob Sandtner, et enfin la collection des plans-reliefs des places fortes françaises réalisés à partir du XVIIe siècle. La double fonctionnalité, patrimoniale et de médiation, de ces objets construit une densité sémiotique à la fois diachronique et synchronique : diachronique par la représentation historicisée en rapport aux évolutions du territoire, synchronique par la représentation actualisée en rapport au territoire présent.
Une des réponses à cette double dimension est depuis une vingtaine d’années le développement d’une « augmentation » de ces représentations des territoires. Les maquettes dites augmentées, mais aussi les dioramas numériques ou holographiques (Narumi, 2011) par exemple, permettent de compléter les savoirs inscrits dans les maquettes par la mise en scène de contenus et données complémentaires, inscrites, projetées ou superposées sur ces dispositifs. En effet, la multiplication des données urbaines, à l’exemple des photographies amateures diffusées sur les réseaux socio-numériques (Projet Identités numériques urbaines du Labex IMU ; Navarro, 2018), invite les institutions à réfléchir aux modalités de leur collecte et de leur combinaison avec des outils de médiation (maquette, carte, …) et des savoirs scientifiques préexistants ou conçus pour l’occasion.
Ces développements s’appuient en parallèle sur la reconnaissance de la capacité des maquettes à faciliter la compréhension des objets qu’elles représentent par leur utilisation de la troisième dimension. La contrepartie est une mise à distance de l’observateur. Plusieurs techniques ont été utilisées – hors du domaine de la médiation – pour atténuer cette distance avant les outils numériques. Elles s’appuyaient sur l’instrumentation optique de maquettes (maquettoscope, relatoscope, etc.) (Jacquot, 2019). Aujourd’hui, ces techniques d’augmentation et de mapping vidéo, abordables tant dans l’usage que dans les coûts, ont proliféré et atteint une forme de maturité nous invitant à questionner la nature de ces objets hybrides dans une approche interdisciplinaire et critique, au regard des disciplines dont sont issus les porteurs du projet.
Objectifs du projet :
Les objectifs de ce projet de recherche sont ainsi de mieux comprendre ce processus d’ « augmentation » des représentations tridimensionnelles tangibles, urbaines et paysagères, selon trois modalités :
– la première est de développer une analyse empirique du processus d’ « augmentation » à travers l’étude de cas emblématiques de dispositifs dits augmentés de médiation patrimoniale. Il s’agit par cette approche d’analyser les éléments mis en œuvre par les acteurs institutionnels et professionnels dans ce processus afin d’en mettre au jour certaines caractéristiques récurrentes ou spécifiques ;
– la deuxième est de porter une réflexion épistémologique interdisciplinaire (sciences de l’information et de la communication, sciences de l’architecture, histoire de l’art, informatique…) sur cette notion d’augmentation prenant en compte les multiples modalités d’augmentation (par la matière, par la donnée, par la médiation…) et leurs impacts sur notre compréhension du médium qu’est la maquette. Cette réflexion se construit en lien étroit avec les réflexions déjà mises en œuvre par des chercheurs du site universitaire lyonnais (projet MAM Maquette augmentée pour la médiation, LabEx IMU).
– la troisième est de répondre de manière critique au succès médiatique du terme « augmentation », terme fortement en lien avec les imaginaires associés à la médiation numérique au musée (Navarro & Renaud, 2019). Il s’agit ainsi de comprendre comment le ce terme se construit comme une formule pouvant répondre à des injonctions et/ou des effets de mode
Mots-clefs : médiation, médiation culturelle, médiation numérique, patrimoine, territoires, urbain
Responsable(s) scientifique(s)
Kévin Jacquot (MAP-ARIA), Nicolas Navarro (ELICO)
Unité(s) de recherche impliquée(s)
MAP-ARIA (UMR 3495 CNRS/MC), ENSAL
Unités de recherche porteuses
Elico - MAP Aria (ENSAL)Financement
AAP Jeunes chercheurs IMU 2019